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L’itinérance ne s’arrête pas avec la fin du financement hivernal

04 avril 2022
James Hughes et Fiona Crossling

Le gouvernement du Québec refuse d’investir dans ce qui est vraiment nécessaire : des services d’hébergement et de gestion de cas suffisants et axés sur le logement tout au long de l’année.

 

Deux ans de travail héroïque des travailleurs du secteur de l’itinérance de Montréal pendant une pandémie, deux autres années de traumatisme accumulé pour ceux qui dépendent des services d’urgence pour survivre, et le gouvernement provincial n’agit toujours pas suffisamment pour mettre fin à l’itinérance chronique.
Vendredi, quatre centres de réchauffement hivernal, d’une capacité combinée de 165 personnes, ont fermé leurs portes. C’était le jour des poissons d’avril, mais loin d’être une farce.

 

La raison ? Le financement du CIUSSS-Centre-Sud, qui est responsable du dossier de l’itinérance dans la ville de Montréal, prend fin. L’Accueil Bonneau exploitait l’une de ces installations. La Mission Old Brewery bénéficie d’un financement du CIUSSS pour continuer à exploiter son centre de réchauffement jusqu’au 30 juin, mais ce financement ne lui permet de rester ouvert que de 20 h à 6 h. Cette situation est profondément inacceptable pour plusieurs raisons.

 

Premièrement, il ne devrait pas y avoir de services hivernaux spécifiques. L’itinérance ne commence pas le 1er décembre et ne se termine pas le 31 mars. Mais le financement le fait. L’exclusion liée au logement doit être traitée non pas en fonction de la saison ou de la température, mais en fonction des besoins des personnes non logées. Ces besoins existent toute l’année.

 

Deuxièmement, il ne devrait pas y avoir de services uniquement de nuit. La lutte contre l’itinérance nécessite des ressources pour travailler avec les gens pendant la journée afin d’ouvrir la voie au logement. Il s’agit notamment de fournir une intervention psychosociale, d’aider à l’obtention de cartes d’identité, de travailler à la déclaration des impôts afin d’être éligible à un supplément de loyer et de rechercher un logement approprié. Le fait que le département de la santé ne finance les services que de 16 heures à 20 heures (ou moins) a pour conséquence que de nombreuses personnes sans logement ne sont pas ancrées pendant la journée et sont obligées de se déplacer d’un endroit à l’autre. Cette politique prolonge et accroît l’itinérance.

 

Enfin, les centres de réchauffement hivernal sont conçus pour de courtes visites, afin de permettre aux gens d’entrer pour prendre un café et un sandwich, utiliser l’ordinateur, laver des vêtements et peut-être prendre une douche, puis de repartir. Cependant, comme tous les refuges pour les personnes en situation d’itinérance ont été pleins à craquer cet hiver, les centres de réchauffement ont dû être utilisés comme dortoirs. Pas question de passer une vraie nuit de sommeil dans l’une de ces structures. Le centre d’accueil de l’Accueil Bonneau, qui n’a été financé que pour les mois de février et mars, ne pouvait fournir que des tapis de gymnastique pour que les personnes puissent passer la nuit sur le sol. Au centre de réchauffement de la Mission Old Brewery, les gens ont des tables à leur disposition pour dormir la nuit, la tête sur les bras. Ce que le gouvernement aurait dû faire, c’est financer davantage de places d’hébergement 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Au lieu de cela, il a choisi de financer un modèle moins coûteux.

 

C’est là que réside le problème. Le gouvernement provincial refuse parcimonieusement d’investir dans ce qui est vraiment nécessaire : des services d’hébergement suffisants, axés sur le logement et disponibles toute l’année, avec une gestion professionnelle des cas 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7. Pour ajouter l’insulte à l’injure, la grande majorité de l’argent réellement déployé dans le secteur de l’itinérance est en fait un financement fédéral géré par la province, auquel la province refuse largement d’ajouter ses propres fonds malgré sa responsabilité légale pour le secteur.

 

Ce n’est pas qu’ils ne savent pas mieux. Au printemps 2021, huit grandes organisations de lutte contre l’itinérance à Montréal, dont la nôtre, avec des centaines d’années d’expérience combinée, ont rassemblé leurs meilleurs éléments pour trouver une meilleure voie à suivre. Un plan appelé Un Pas de Plus est né. Il prévoyait que les secteurs de la ville, de la santé et de la communauté travaillent ensemble pour réduire radicalement l’itinérance chronique sur cinq ans, en dirigeant les ressources vers les services de logement et de santé mentale par le biais de ressources disponibles 24 heures sur 24, 7 jours sur 7 et 365 jours par an, avec une plateforme d’accès coordonnée. Un Pas de Plus a été largement salué comme un document révolutionnaire ; cependant, malgré un soutien verbal et quelques progrès modestes, peu de choses se sont réellement produites sur le terrain. À l’approche de l’hiver, le gouvernement s’est simplement replié sur son modèle de financement minimaliste typique des « mesures hivernales ».

 

Et maintenant, à la fin de l’hiver, il y a des centaines de personnes qui n’ont nulle part où aller, et pas même une natte pour dormir.

 

Nous aurions aimé que ce ne soit qu’un poisson d’avril. Ce n’était pas le cas.

 

 

Fiona Crossling est directrice générale de l’Accueil Bonneau, et James Hughes est PDG de la Mission Old Brewery.

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