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Message de Shoshan: « Nous méritons de sortir de la rue »

10 juin 2020

Shoshan vit en face du marché Maisonneuve dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve, plus connu sous le nom de HOMA. Ce quartier, qui s’embourgeoise rapidement, voit apparaître de nouvelles boutiques et de nouveaux restaurants à la mode, ce qui attire les jeunes. Shoshan a un bel appartement, de la nourriture dans le réfrigérateur et de l’argent à la banque. Shoshan est en sécurité et à l’aise, mais elle n’a pas toujours eu autant de chance.

Un parcours marqué par la résilience

Originaire de la nation naskapie de Kawawachikamach, petite communauté de quelques centaines de personnes de la Côte-Nord au Québec, Shoshan vit au Pavillon Lise Watier (PLW), une résidence de 29 logements sociaux pour des femmes auparavant sans-abri. Son cheminement d’une communauté à l’autre, en passant par l’itinérance, en est un de force et de spiritualité. Elle a maintenant un message pour les autres peuples autochtones : nous méritons de sortir de la rue.

« Je dormais dehors dans des endroits comme la place Émilie-Gamelin avec mon mari quand il était encore en vie. C’étaient des moments difficiles qui font remonter beaucoup d’émotions tristes, mais j’ai aussi de bons souvenirs, raconte Shoshan. Je me souviens de l’époque où les camions des organisations communautaires venaient chaque semaine et apportaient du café, des desserts et des hot-dogs. C’est comme ça que je vivais à l’époque ne me demandez pas pourquoi mais je le faisais. »

 

 

Racisme et discrimination

Shoshan est l’une des nombreuses personnes autochtones qui ont vécu l’itinérance à Montréal. Selon le dernier dénombrement, les Autochtones représentent 0,6 % de la population montréalaise, mais 12 % des personnes visiblement sans-abri. Homeless Hub soutient que « l’itinérance chez les peuples autochtones peut être attribuée à un traumatisme historique, à l’oppression, au racisme et à la discrimination. Elle doit être considérée comme une conséquence de la colonisation et de l’exploitation des terres et des populations autochtones au Canada ».

« Beaucoup d’Autochtones et d’Inuits deviennent sans-abri et viennent à Montréal à cause de problèmes familiaux, explique Shoshan. Par exemple, ils peuvent avoir été rejetés de leur famille et de leur communauté en raison de leur orientation sexuelle. À Montréal, ils sont libres d’être ce qu’ils sont vraiment, mais beaucoup d’entre eux vivent dans la rue. »

Une capacité d’empathie exceptionnelle

Shoshan maintient des liens avec sa communauté en rendant visite à de vieux amis au centre-ville de Montréal. « Parfois, j’aime aller au centre-ville et parler avec ma vieille bande d’amis. Beaucoup d’entre eux sont décédés, mais j’en vois encore beaucoup. Nous avons beaucoup de respect mutuel les uns pour les autres. Même s’ils sont intoxiqués, je les écoute quand même. Ils me racontent des histoires sur ce qu’ils ont fait et nous nous mettons à jour », raconte-t-elle. Mais pour Shoshan, il ne s’agit pas seulement de rattraper le temps perdu. Il s’agit de soutenir sa communauté à sa manière et de diffuser son message d’amour et d’acceptation.

« Certaines personnes peuvent penser que les sans-abri ne méritent pas le respect. Et malheureusement, les personnes sans-abri peuvent penser la même chose parce qu’ils sont peut-être aux prises avec une dépendance et ne croient pas en eux-mêmes. Mais quand je leur parle, je ne leur dis pas ce qu’ils devraient ou ne devraient pas faire ce n’est pas mon rôle. Peut-être qu’ils ne sont pas prêts à changer : ça prend beaucoup de force mentale. »

 

Le rôle de la spiritualité

Pour Shoshan, rassembler la force mentale nécessaire pour changer sa vie signifiait embrasser sa spiritualité.  « Lorsque je changeais de vie, je me disais toujours ‘oui, je peux, oui, je peux’ et je puisais dans ma spiritualité autochtone en parlant au créateur. Je remercie le créateur chaque jour que je suis en vie. Je parle à ma grand-mère et si je suis dans un endroit sombre, je lui demande de m’envoyer de la lumière, dit-elle. Je brûle aussi de la sauge ou du foin d’odeur pour imprégner ma maison et me débarrasser de toute négativité. »

Nicole Graffe, coordinatrice du logement social pour les femmes au PLW, a vu de ses propres yeux comment Shoshan est devenue plus heureuse et plus sûre d’elle. « Elle a passé plusieurs années dans la rue et elle a encore des souvenirs d’avoir dormi à même le sol et d’avoir manqué d’argent pour se nourrir. La stabilité de son premier foyer lui a permis non seulement d’apprendre les outils nécessaires pour être autonome, comme cuisiner pour elle-même et établir un budget, mais aussi de se retrouver. C’est une toute nouvelle personne. Elle transmet son message de gratitude aux autres femmes qui vivent dans le pavillon et elle exerce une influence positive. »

Si je gagnais le gros lot…

Ayant participé à notre dernière campagne de sensibilisation, Shoshan est déterminée à aider à faire passer le message. « Je suis fière de participer à ce projet. Vivre dans la rue était ma vie, mais ce n’est plus le cas. La Mission m’a vraiment beaucoup aidée à regagner ma vie, à me remettre sur pied et à croire en moi, poursuit-elle. Si je gagnais à la loterie, je donnerais l’argent aux refuges ici à Montréal c’est mon rêve. Je veux que les personnes sans-abri et les Autochtones sachent que nous méritons de sortir de la rue. Je veux qu’ils sachent qu’il y a des gens à la Mission qui sont là pour eux, qui s’occupent d’eux et qui les font passer en premier. »

 

Shoshan (au centre), photographiée avec trois autres résidentes et une animatrice (à gauche) du pavillon Lise Watier.

 

Un message d’amour et de compassion

Son message s’adresse également aux jeunes. « Un autre rêve que j’ai est de retourner dans ma communauté de Kawawachikamach pour parler aux jeunes et leur raconter ma vie et mes combats. Je veux qu’ils sachent qu’il faut être prudent et se tenir à l’écart de la drogue et de toutes les difficultés qui accompagnent la drogue. »

Shoshan a un dernier message d’amour pour tous ceux qui sont sans-abri. « D’abord, vous devez croire en vous. Quelle que soit votre religion ou votre spiritualité, vous devez prier beaucoup et demander l’aide d’une puissance supérieure. Et si vous avez besoin de mon aide, je suis là pour vous ne l’oubliez pas. Je vous aime et le créateur vous aime aussi, quoi qu’il arrive. »


En tant qu’organisation fondée sur la recherche, la Mission Old Brewery s’efforce de mieux comprendre les besoins de la communauté autochtone en matière d’itinérance. Notre partenariat avec Projets autochtones du Québec, un organisme à but non lucratif axé sur le développement social et professionnel des Premières Nations, des Métis et des Inuits au Québec, nous aide à atteindre cet objectif.

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